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Fédération canadienne de la fauneEnvironnement et Changement climatique Canada
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Description

Il existe trois sous-espèces de Fous de Bassan (Morus Bassanus) dans le monde : l’une d’elles se trouve le long de la côte sud de l’Afrique, une autre en Tasmanie et en Nouvelle-Zélande, et l’autre dans l’Atlantique Nord.

Le plumage de l’adulte est d’un blanc éblouissant. Une bande étroite de couleur grise encercle les yeux, mais la pointe des ailes est d’un noir de jais. Pendant la saison de nidification, la tête et le cou de l’oiseau prennent une délicate nuance jaune safran. Les yeux sont bleu clair, et le bec est bleu ou gris-bleu.

À l’automne, les jeunes ont le plumage brun rayé et tacheté de blanc. Au fil des saisons, le plumage pâlit; il présente la teinte blanche de l’adulte vers la quatrième ou la cinquième année.

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Habitat et habitudes

Les colonies sont logées sur des falaises escarpées et sur les crêtes d’îles situées au large que ne peuvent atteindre les prédateurs terrestres bien que dans le cas de l’île Bonaventure, le renard roux (Vulpes vulpes) y vive toute l’année. L’oiseau a besoin d’isolement, en particulier au début de la nidification; il quitte souvent son nid s’il est dérangé, et cela est particulièrement vrai dans le cas des oiseaux qui nichent pour la première fois.

Les humains ont parfois choisi, pour y ériger des phares, les îles du large et les falaises abruptes qui attirent les Fous de Bassan. C’est ce qui explique en partie l’abandon de certaines colonies au 19e siècle et au début du 20e siècle.

À la fin de mars, le Fou de Bassan quitte la côte sud-est des États-Unis et vient nicher dans une demi-douzaine d’îles et de caps de Terre-Neuve et du golfe du Saint-Laurent. Lorsqu’on s’approche en bateau d’une grande colonie de Fous de Bassan, les corniches et les crêtes semblent couvertes de neige tant les milliers de Fous de Bassan au plumage d’un blanc éclatant nichent en masse compacte. Au-dessus de la colonie virevolte une immense nuée d’oiseaux : les partenaires de ceux restés au nid.

À terre, peu à son aise sur ses jambes courtes et ses pattes palmées, le Fou de Bassan est lent et gauche. À l’atterrissage et à l’envol, ce voilier rapide et puissant fait également preuve d’une certaine maladresse. Earl Godfrey, dans son ouvrage Les oiseaux du Canada, a décrit de façon très pittoresque l’envol pénible de cet oiseau :

« L’oiseau qui veut s’envoler, lève solennellement la tête, pointe le bec vers le ciel, ouvre à demi ses ailes et étale sa queue sur le sol. Il clopine et sautille vers le bord de la falaise ou vers une partie moins occupée de la colonie, tout en émettant des sons étranges. Chaque fois qu’il passe trop près d’un voisin, il y a de nombreux échanges de menaces vocales et de multiples prises de bec. Il trottine en se servant de ses pattes et de ses ailes et prend bientôt son envol. Une fois dans les airs, il évolue avec grâce et facilité [...] »

Caractéristiques uniques

Le Fou de Bassan est particulièrement bien formé pour se précipiter de très haut sur ses proies. Contrairement à la plupart des autres oiseaux, ses yeux sont disposés de telle sorte qu’ils peuvent tous deux voir vers l’avant, ce qui lui permet de déterminer la profondeur à laquelle nagent les poissons. Son bec, de 100 mm de longueur, est puissant, effilé et dépourvu de narines. Les mâchoires supérieure et inférieure se referment tellement bien qu’il n’y pénètre pas d’eau lorsque l’oiseau fend la mer en plongeant. Son corps est doté d’un réseau de petites poches d’air sous la peau du cou et celle située à la naissance des flancs. Celles-ci se gonflent d’air avant la plongée et contribuent à amortir le choc.


Dans les airs, le Fou de Bassan est d’une grâce suprême. L’envergure de l'adulte dépasse parfois 2 m; il a les ailes fines, effilées et rabattues un peu vers l’arrière, comme celles du goéland. En vol, l’oiseau tend son bec long et puissant. Celui-ci se fond avec la tête, qui est petite et plantée sur un cou épais, bien profilé et s’harmonisant avec le reste du corps. Le Fou de Bassan vole, les pattes repliées sous la queue en pointe. Il donne l’impression, par sa forme, de fendre l’air sans effort.

Sa robustesse et ses ailes puissantes lui permettent de parcourir de grandes distances et ce, presque par tous les temps. On peut également le voir planer pendant des heures juste au-dessus des flots en battant à peine des ailes. Il sait tirer parti des courants d’air provenant de la déflexion ascensionnelle du vent causée par les vagues. Frôlant la crête des vagues, il s’élève au-dessus de chacune d’elles, porté par le courant ascendant, puis pique vers la suivante, et ainsi de suite, ce qui lui permet d’avancer dans une forte brise sans même battre des ailes. Cet acrobate des mers parvient aussi à planer tout aussi facilement avec le vent de côté que le vent en poupe. Ce jeu de « saute-mouton » avec les vagues exige une parfaite maîtrise de la part de l’oiseau. Même les planeurs les plus perfectionnés que l’être humain ait conçus ne peuvent évoluer avec autant d’aisance.

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Aire de répartition

La répartition du Fou de Bassan

Le nombre de Fous de Bassan n’est pas considérable par rapport au total des oiseaux de mer. Sur la côte atlantique de l’Amérique du Nord, on compte environ 87 900 individus reproducteurs. Ils viennent tous nicher dans le golfe du Saint-Laurent ou le long de la côte Est de Terre-Neuve, et une fois leurs petits élevés et partis du nid, ils retournent dans le Sud et se dispersent le long de la côte depuis la Nouvelle-Angleterre jusqu’au golfe du Mexique.

La carte montre les six colonies du Canada, dont trois sont situées à Terre-Neuve, soit dans l’île Funk (plus de 6 000 couples), au cap St. Mary’s (6 500 couples) et dans l’île Baccalieu (675 couples).

C’est au Québec, plus précisément dans le golfe du Saint-Laurent, qu’on retrouve la plus importante concentration de Fous de Bassan répartis dans trois colonies. Il y a celle de l’île Bonaventure avec plus de 24 000 couples, du rocher aux Oiseaux dans les îles de la Madeleine avec 6 600 couples et, finalement, de la falaise aux Goélands dans le nord-est de l’île d’Anticosti avec 155 couples.

De l’autre côté de l’Atlantique, on retrouve 444 000 Fous de Bassan, répartis dans 34 colonies. Six colonies, qui totalisent 25 000 couples, sont établies en Islande. Dans les îles Britanniques, incluant l’Irlande, les îles Shetland et les îles Féroé, la population totale s’établit à 189 700 couples répartis dans 22 colonies. En Norvège, l’espèce s’est établi en 1946, mais niche en très petit nombre, soit 2 300 couples, qui se retrouvent dans 5 colonies. Il existe aussi une colonie de 6 000 couples dans le Nord de la France.

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Alimentation

De tous les oiseaux de mer, le Fou de Bassan est celui qui, en quête de nourriture, offre le spectacle le plus fascinant. Il plane seul ou en groupe à une hauteur de 18 à 30 m au-dessus des vagues. Lorsqu’il aperçoit un poisson, il plonge à peu près verticalement sur sa proie, les ailes à demi repliées, à une vitesse angulaire vertigineuse. En perçant la surface de l’océan, il fait gicler une gerbe d’écume qui peut atteindre 3 m de hauteur. La vitesse acquise permet à l’oiseau de plonger sous sa proie. À l’aide de ses larges pattes palmées et peut-être aussi de ses ailes, il remonte vers le poisson, qu’il happe d’un coup de bec. Il avale sa capture dès qu’il émerge ou même avant; il s’envole alors de nouveau pour continuer sa pêche ou retourner au nid nourrir son petit. Lorsqu’un Fou de Bassan plonge, ses congénères en vol affluent sur les lieux dans l’espoir d’y trouver un banc de poissons. S’il s’agit d’un banc important, ils s’y attaquent alors en grand nombre. 

Le Fou de Bassan ne plonge pas toujours de façon spectaculaire. Lorsqu’un banc de poissons évolue près de la surface, l’oiseau ne s’élève que d’un mètre environ avant de fondre sur sa proie. Parfois, il nage à coup d’ailes et de pattes, la tête immergée pour repérer les poissons. 

Le Fou de Bassan se nourrit de harengs, de maquereaux, de capelans, de lançons et de calmars. 

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Reproduction

Les mâles âgés de trois à cinq ans choisissent l’emplacement du nid. La première année, le mâle se contente de parader et de construire un nid. La pariade se fait d’ailleurs avec force courbettes et déploiements d’ailes. Les couples peuvent rester unis pendant plusieurs années, et ils ajoutent des matériaux au nid existant. Lorsqu’ils arrivent à l’aire de nidification, elle peut être encore couverte de neige.

Les couples occupent le même nid d’année en année. À partir du petit tas d’herbes marines, de brindilles, de mousses et de débris, le nid s’épaissit avec les années, à mesure que s’y accumulent plumes, carcasses de poissons et guano laissés par les nombreuses générations qui s’y succèdent. Les nids, généralement séparés par une distance de 600 à 900 mm, forment un ensemble de lignes régulières. Cette disposition s’explique par la configuration hexagonale des territoires de nidification, ce qui permet la construction d’un très grand nombre de nids sur une surface restreinte.

Entre la fin mai et la mi-juin, la femelle pond un seul œuf, déposé dans le creux capitonné de mousse en forme de cuvette, qui surmonte le tas de débris. L’œuf, d’un blanc bleuté, est couvé par les deux parents. Les premiers petits éclosent durant la première semaine de juillet. Lorsqu’il sort de l’œuf, le petit Fou de Bassan est un être minuscule et sans défense à peau grisâtre dénuée de tout duvet, vautré dans le nid et geignant comme un chiot. Ses parents s’en occupent très attentivement. À deux semaines, il est recouvert d’un duvet blanc et soyeux.

Jusqu’à ce qu’il puisse prendre son envol au-dessus de l’océan et trouver lui-même à manger, le petit est nourri par ses parents. L’oisillon plonge son bec jusque dans le gosier du nourricier, qui régurgite le poisson partiellement digéré dont se gave le petit. Après quelques semaines, les parents régurgitent la nourriture à proximité du nid, où le petit s’en repaît de lui-même.

Vers l’âge de six semaines, le corps du jeune oiseau commence à s’emplumer. Dès septembre, le petit peut voler de ses propres ailes. Après des jours d’hésitation, il exécute un premier plongeon maladroit du haut de la corniche vers la mer. Parfois, l’oiseau dégringole sur les rochers d’où, s’il s’en tire indemne, il gagne l’océan. Une fois à l’eau, le jeune Fou de Bassan peut vivre de la graisse qu’il a accumulée jusqu’à ce qu’il ait finalement maîtrisé l’art difficile de plonger pour attraper sa nourriture.

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Conservation

Dès le début de l’ère coloniale en Amérique du Nord, les Fous de Bassan sont devenus la proie des chasseurs d’oiseaux de mer, des ravitailleurs de navire et des pêcheurs qui en faisaient des appâts. La grande colonie remarquée par Jacques Cartier dans l’île Funk a été décimée entre 1857 et 1863 par des chasseurs en quête de nourriture. Elle n’a été rétablie qu’en 1936 lorsque 7 couples qui s’y sont établis. Cette chasse excessive et les perturbations apportées à l’habitat des oiseaux ont provoqué une diminution considérable de leur nombre, qui est passé de 200 000 en 1830 à environ 8 000 en 1880. Toutefois, grâce à une protection intégrale, ce nombre est remonté progressivement pour atteindre 87 900 individus reproducteurs vers 1990.

Récemment, le déclin temporaire de la colonie de l’île Bonaventure a confirmé que, mis à part la chasse et la destruction de leurs habitats, les Fous de Bassan sont menacés par d’autres activités humaines. Ce sont les pesticides qui ont causé la baisse de la population de Fous sur l’île Bonaventure entre 1969 et 1976. Durant cette période, les concentrations de DDT et de ses dérivés chez les individus de l’île Bonaventure se sont révélées à peu près deux fois plus élevées que chez ceux de l’île Funk. Les oiseaux avaient absorbé le DDT par le poisson consommé. La forte concentration de ce produit chez les individus de la région gaspésienne s’expliquait par la proximité des forêts infestées de tordeuses des bourgeons de l’épinette et abondamment arrosées de DDT. À cause du DDT, les coquilles des œufs des Fous de l’île Bonaventure étaient de faible épaisseur, et le taux de succès à l’éclosion se trouvait au-dessous du seuil habituel. Depuis que le DDT n’est plus utilisé comme pesticide, l’épaisseur des coquilles et les taux de succès à l’éclosion sont revenus à la normale.

Le pétrole répandu quand les navires rejettent l’eau de cale dans la mer et lors des naufrages fait périr un grand nombre de Fous de Bassan. Les lourdes menaces de pollution que fait planer, entre autres, le forage hauturier se sont ajoutées à la liste des dangers guettant le Fou de Bassan. Au contact du pétrole, le plumage de l’oiseau se feutre; les huiles naturelles qui confèrent aux plumes leur imperméabilité se dissolvent. La protection thermique du plumage s’en trouve ainsi diminuée. De plus, l’oiseau s’empoisonne petit à petit lorsqu’il capture sa nourriture dans les eaux contaminées ou qu’il fait sa toilette. Cependant, le Fou de Bassan est moins sujet à l’effet nocif du pétrole que d’autres oiseaux de mer qui passent plus de temps sur l’eau.


Heureusement, de nos jours, les populations canadiennes de Fous de Bassan sont florissantes. Cependant, la protection des oiseaux de mer et de la faune aquatique n’est réalisable que si l’on prend les mesures qui s’imposent pour prévenir la pollution de toutes sortes, qu’il s’agisse de la pollution par les hydrocarbures, les débris d’objets en plastique ou par les pesticides et autres produits chimiques.

Au Canada, il est interdit de chercher à blesser ou de chasser le Fou de Bassan. Des recherches s’effectuent actuellement sur les polluants chimiques et leurs effets sur la reproduction. Depuis1968, le Service canadien de la faune a étudié les effets du DDT et d’autres contaminants sur cet animal. Le SCF maintient un suivi de la fluctuation des effectifs de toutes les colonies de Fous de Bassan au Canada afin d’en connaître l’état de santé.

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Ressources

Ressources en ligne

Cornell University Laboratory of Ornithology (en anglais seulement)

7 Seas Whale Watch (en anglais seulement)

Ressources imprimées

DELAUNOIS, A. Les oiseaux de chez nous, 2e éd. rev. et corr., Saint-Lambert (Québec), Éd. Héritage inc. 1990, p. 22 et 23.

GODFREY, W. E. Les oiseaux du Canada, éd. rév., Musées nationaux du Canada, réimprimé en 1989, La Prairie (Québec), Éditions Marcel Broquet, en collaboration avec le Musée national des sciences naturelles, 1986.

LAGUEUX, L. Les Fous de Bassan de l’île Bonaventure, Club des ornithologues de la Gaspésie inc., en collab. avec le Service canadien des parcs, Percé (Québec), 1986.

SAUVAGEAU, D. « Les Fous de l’Île », dans Forêt Conservation, magazine de l’AFQ et des clubs 4-H du Québec, Québec, 55(4):12 15, 1988.



© Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représentée par le ministre de l’Environnement, 1973, 1984, 1993. Tous droits réservés.
No de catalogue CW69-4/3-1993F
ISBN 0-662-98184-7
Révision scientifique : A.J. Gaston, 1984; G. Chapdelaine, 1993
Photo : Tony Beck