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Les pesticides et les oiseaux sauvages

Les pesticides chimiques

  • sont utilisés fréquemment au Canada sans qu’on s’en rende compte, par exemple dans des peintures pour l’extérieur et des produits de préservation du bois, des désinfectants et des colliers antipuces
  • sont devenus populaires dans les années 1930, mais leur usage a grimpé en flèche après la Seconde Guerre mondiale
  • ne distinguent pas entre le ravageur cible et d’autres espèces et peuvent détruire des espèces désirables en même temps que les espèces jugées « nuisibles »
  • peuvent être absorbés de plusieurs façons par les oiseaux qui peuvent par exemple les confondre avec de la nourriture ou les absorber par les pattes
  • homologués au Canada comptent une trentaine de produits susceptibles d’empoisonner les oiseaux sauvages

En quoi consistent les pesticides?

Nombreux sont ceux qui estiment que les pesticides sont essentiels dans la vie quotidienne ou, à tout le moins, au maintien de notre niveau de vie actuel. Il est vrai que ces produits ont sauvé d’innombrables vies en diminuant l’incidence des maladies, telles que la fièvre typhoïde et le paludisme, transmises par les moustiques et d’autres insectes nuisibles. Ils jouent également un rôle important dans les efforts fournis par les humains pour cultiver et emmagasiner suffisamment de denrées pour se nourrir.

La majorité des Canadiennes et des Canadiens consomment indirectement des pesticides dans les aliments qu’ils achètent. Un grand nombre de personnes les utilisent directement, fréquemment sans s’en rendre compte : peintures pour l’extérieur et produits de préservation du bois, désinfectants et colliers antipuces, qui contiennent des pesticides.

On a la preuve que, bien qu’ils soient utiles, les pesticides sont utilisés de façon abusive et inappropriée dans le monde entier. On s’inquiète surtout des effets nocifs des résidus de pesticides dans nos aliments et des risques que courent ceux qui sont appelés à appliquer ces produits. Par ailleurs, les effets dommageables des pesticides sur les espèces sauvages et leur habitat ne sont pas généralement reconnus.

Le présent document porte sur les oiseaux et sur les effets que les pesticides ont sur eux. Il arrive parfois que des pesticides soient employés pour protéger les oiseaux et leur habitat, notamment pour lutter contre les espèces introduites, de façon fortuite ou volontaire, dans leur milieu. Toutefois, le plus souvent, les oiseaux sont d’innocentes victimes dans notre lutte acharnée contre les espèces qui rivalisent avec les humains.

Les oiseaux sont-ils en péril?

Comme le canari qu’on gardait dans la mine de charbon pour signaler le danger, de nombreuses populations d’oiseaux commencent à manifester des signes inquiétants. Même si quelques espèces ont nettement bénéficié de la présence des humains, celles qui habitent la campagne et les autres zones vertes diminuent. La tendance est encore plus prononcée en Europe, où la plupart des oiseaux communs des zones rurales sont de moins en moins nombreux. Ces déclins ont non seulement été attribués à la perte des habitats, mais également à l’intensification agricole, qui va de pair avec l’utilisation de pesticides.

Le mot pesticide signifie « produit propre à détruire les ravageurs ». La définition légale du mot englobe tout produit, organisme ou mécanisme pour détruire, attirer ou éloigner un ravageur. Un ravageur est un organisme dont l’humain veut se débarrasser à un moment donné ou dans un lieu particulier. Les Romains et les Chinois des temps passés se servaient de minéraux et d’extraits de plantes pour détruire ou repousser les insectes, ou pour attaquer les champignons qui rendaient les plantes malades. L’usage généralisé de pesticides chimiques commerciaux a commencé dans les années 1930 et a grimpé en flèche après la Seconde Guerre mondiale.

Comment fonctionnent les pesticides?

Les pesticides sont groupés selon les ravageurs qu’ils visent. Les insecticides, par exemple, s’attaquent aux insectes comme les moustiques et les mouches piqueuses, de même qu’aux insectes présents sur les terres agricoles, dans les forêts, le gazon et les habitations; les herbicides sont mis à contribution contre les plantes nuisibles sur les emprises, les pelouses, les terrains de golf, les terres de culture, les vergers et les plantations d’arbres; les fongicides sont utilisés contre les champignons qui causent de nombreuses maladies et le mildiou chez les plantes; les rodenticides combattent les rongeurs comme les rats, les souris et les campagnols dans les bâtiments et les vergers.

Les pesticides sont vendus sous forme de poudres ou de concentrés à diluer avec de l’eau, sous forme d’aérosol, de granulés ou d’appât. On les applique de différentes façons; ils sont pulvérisés à partir d’un avion ou d’un pulvérisateur tiré par tracteur, dissous dans l’eau d’irrigation, enfouis dans le sol, répandus en granulés ou en boulettes sur le sol près des plantes, appliqués en traitement de semences, ou insérés dans le collier du bétail ou les appâts.

La forme du pesticide détermine comment un oiseau entre en contact avec le produit. Il peut l’avaler en le confondant avec de la nourriture, l’absorber par les pattes, l’inhaler ou l’ingérer en se lissant les plumes après s’être frotté contre une surface contaminée. Les pesticides granulaires (mélangés avec de l’argile, du sable ou de la rafle de maïs) sont particulièrement dangereux pour les oiseaux qui picorent et méprennent les granules pour des graines ou du gravier, dont ils se servent pour broyer leur nourriture.

Le pesticide perturbe une fonction organique vitale comme la photosynthèse chez les plantes, ou détruit un organe important comme l’intestin de la chenille. Les organophosphorés et les carbamates, les insecticides les plus couramment utilisés de nos jours, sont connus comme des « pesticides inhibiteurs de la cholinestérase » parce qu’ils attaquent un enzyme essentiel à la transmission des impulsions nerveuses. Or, les populations de ravageurs exposées à des applications répétées de pesticide développent parfois une résistance génétique à ce dernier, si bien qu’il finit par ne plus avoir d’effet.

Les pesticides ne distinguent pas entre le ravageur cible et d’autres espèces. Ils sont « programmés » pour attaquer un processus ou un organe, et tout organisme comportant le même processus ou organe peut être touché. Ainsi, un pesticide détruit des espèces désirables en même temps que les espèces jugées « nuisibles ». Pour restreindre le nombre d’espèces non ciblées à risque, il est sage d’employer des pesticides sélectifs (qui s’attaquent à un seul groupe d’organismes nuisibles, par exemple les mouches) au lieu de pesticides non sélectifs (toxiques pour tout un éventail d’organismes, tels que mammifères, oiseaux, poissons et insectes). Il va de soi donc que la sélectivité d’un pesticide est un facteur clé de ses conséquences écologiques.

Utilisation des pesticides

Au Canada, une trentaine de pesticides homologués peuvent empoisonner les oiseaux sauvages. La plupart sont des organophosphorés et des carbamates inhibiteurs de la cholinestérase. Ces insecticides sont efficaces pour lutter contre toutes sortes d’insectes et ils sont souvent moins chers que bon nombre d’autres produits, de là leur popularité. Ce qui est regrettable, c’est qu’ils sont extrêmement toxiques (sur-le-champ) et ne sont pas très sélectifs, car ils attaquent aussi bien les vertébrés que les invertébrés. En outre, comme ils se décomposent rapidement dans l’eau ou le sol, on doit les appliquer sur les récoltes à plusieurs reprises durant la saison de croissance. Lorsqu’un animal sauvage en mange ou en absorbe dans son organisme par accident, il détoxique rapidement ces substances et les excrète (c.‑à‑d. qu’il les élimine de son corps) — à moins bien sûr que la mort ne l’emporte avant. Les mammifères détoxiquent beaucoup mieux les organophosphorés et les carbamates que ne le font les oiseaux. Par exemple, l’insecticide commun diazinon est 100 fois plus toxique pour les oiseaux que pour les mammifères.

Les organochlorés, comme le DDT, sont aussi efficaces pour détruire toute une foule d’insectes, mais leur toxicité dure beaucoup plus longtemps. Bien que la plupart des organochlorés aient été retirés du marché au Canada dans les années 1970 après avoir causé la presque disparition des Faucons pèlerins et d’autres espèces d’oiseaux, on en trouve encore des traces dans la nature (dans les sites comme les vergers où ils étaient utilisés en abondance) et dans les tissus d’animaux. Une dose qui était efficace pour combattre les insectes n’était pas nécessairement toxique pour les oiseaux, mais puisque les pesticides persistaient pendant des décennies et s’accumulaient dans la chaîne alimentaire, certains oiseaux, les espèces prédatrices surtout, finissaient par absorber une dose mortelle au fil du temps. Les organochlorés rémanents (c.‑à‑d. dont les effets sont très persistants) sont toujours autorisés par la loi dans certains pays de l’hémisphère Sud où se rendent des oiseaux migrateurs du Canada.

 

 

Quels pesticides sont les moins toxiques pour les oiseaux?

Certains pesticides sont beaucoup plus spécifiques et moins toxiques pour les oiseaux, mais il faut toujours les utiliser avec soin. Par exemple, les pyréthrines de synthèse sont plus sélectives que les organophosphorés et les carbamates et ne sont normalement pas très toxiques pour les oiseaux ou les mammifères. Mais attention, ils sont particulièrement toxiques pour les poissons, les batraciens et les invertébrés terrestres et aquatiques. La sélectivité est bien souvent un concept relatif.

En général, les microbes spécifiques d’un ravageur ou qui s’attaquent à un nombre limité d’insectes apparentés, ainsi que les insectes prédateurs ou parasites lâchés en grands nombres sur un ravageur particulier constituent les moyens les plus sélectifs de lutter contre les insectes nuisibles et sont ceux qui perturbent le moins le milieu naturel. Le Bacillus thurigiensis kurstaki (Btk) est un microbe employé communément pour détruire l’intestin de la chenille. Les chenilles nuisibles comprennent la spongieuse, la tordeuse des bourgeons de l’épinette et la pyrale du maïs.

La plupart des herbicides et fongicides ne sont pas trop toxiques pour les oiseaux ou d’autres animaux. Toutefois, en laboratoire (mais pas encore en milieu naturel), plusieurs d’entre eux se sont révélés nuisibles à la reproduction des oiseaux. De plus, plusieurs de ces produits sont toxiques pour les poissons et les vers de terre, de sorte que certains oiseaux risquent de trouver moins de nourriture dans la nature après leur application.

Quels oiseaux sont les plus vulnérables?

Certains oiseaux risquent d’être plus exposés que d’autres aux résidus de pesticides. Il s’agit par exemple des oiseaux qui ingèrent beaucoup de feuilles récemment pulvérisées, comme la sauvagine et le gibier à plumes. Les oiseaux chanteurs granivores sont aussi à risque, car ils sont attirés par les insecticides granulaires et les semences traitées aux pesticides. Les espèces qui se gavent d’insectes nuisibles tels que les sauterelles sont particulièrement vulnérables lorsque ces ravageurs pullulent. Enfin, les animaux nécrophages et les prédateurs qui s’attaquent aux animaux lents ou estropiés risquent fort d’ingérer d’autres oiseaux ou mammifères empoisonnés.

Quels effets ont-ils sur les oiseaux?

Un pesticide peut tuer l’oiseau directement, l’empoisonner sans le tuer ou avoir un effet indirect sur lui en réduisant sa nourriture ou la couverture végétale qui l’abrite.

L’empoisonnement létal

Les insectes et la végétation qui ont été pulvérisés d’insecticides peuvent receler suffisamment de résidus pour tuer des oiseaux affamés. Une mortalité massive, comme celles décrites dans l’encadré 1, peut survenir même lorsque les pesticides sont appliqués de manière responsable, selon les instructions inscrites sur l’étiquette — c’est pourquoi il importe de surveiller le rendement du produit et de signaler tout problème. Il suffit d’une ou deux petites granules des organophosphorés ou carbamates les plus toxiques pour tuer un petit oiseau. En outre, la quantité de résidus de pesticide qui reste dans l’estomac des oiseaux et mammifères empoisonnés peut être suffisante pour provoquer la mort des prédateurs et nécrophages comme l’aigle et la corneille.

L’empoisonnement sublétal

L’empoisonnement n’entraîne pas toujours une mort immédiate. L’oiseau empoisonné perd parfois du poids, ce qui diminue sa capacité de combattre d’autres stress, comme les intempéries. L’oiseau peut aussi moins chanter et ainsi, ne plus attirer de partenaire ni défendre son territoire. Il pourrait élever une plus petite famille, apporter moins de nourriture aux oisillons ou avoir un comportement anormal avec son partenaire. Un oiseau affaibli risque aussi d’être moins en mesure d’échapper à un prédateur ou de se défendre contre lui.

Les conséquences ne sont pas toujours faciles à prédire. Des oiseaux chanteurs qui ont fait leur nid dans de l’herbe pulvérisée de carbofuran, un insecticide toxique, ont survécu et élevé leurs petits sans problème, mais des goélands ont péri et des Chevêches des terriers ont abandonné leurs nids et disparu dans les mêmes conditions (voir encadré 1). Les espèces capables d’éliminer l’insecticide de leur organisme avant qu’une dose létale ou débilitante ne soit acquise sont celles qui arrivent à survivre.

Exemples de l’empoisonnement massif des oiseaux par les pesticides au Canada


Les cas bien documentés d’empoisonnement massif d’oiseaux par les pesticides sont assez rares, du moins au Canada. Certains en déduisent que ces événements ne se produisent pas souvent, mais d’autres font état de l’inaccessibilité des champs agricoles et des forêts traitées, de la disparition rapide des carcasses et de l’absence générale de contrôles. Un empoisonnement massif n’est pas nécessairement spectaculaire — il peut s’agir d’un grand nombre d’oiseaux répartis sur un vaste territoire. La destruction de petits oiseaux est rarement signalée, mais on sait que, en général, ces oiseaux sont plus susceptibles d’être empoisonnés. Aux États-Unis, où il semblerait, selon certains observateurs, que ces incidents soient recensés plus fréquemment qu’au Canada, une destruction par pesticide est signalée en moyenne toutes les deux semaines pour les oiseaux de proie seulement. On se demande toujours si l’empoisonnement des oiseaux au Canada est assez fréquent pour être considéré comme un facteur du déclin des populations actuelles. Entre juin 1986 et septembre 1988, au moins cinq cas d’empoisonnement de groupes de Bernaches du Canada ont été enregistrés sur des terrains de golf du Sud de l’Ontario et d’autres étendues gazonnées. Les oiseaux sont morts à peine quelques minutes après avoir avalé de l’herbe pulvérisée avec l’insecticide diazinon. Des destructions importantes (jusqu’à 700 d’un coup) de Bernaches cravants qui nichent en Arctique étaient observées couramment sur les terrains de golf de Long Island, dans l’État de New York, avant que l’utilisation de ce pesticide soit interdite sur les terrains de golf américains. Le diazinon est toujours utilisé dans une large mesure sur les terrains de golf canadiens et comme insecticide pour « parterres et jardins ». Après qu’un agriculteur de la Saskatchewan ait appliqué des granulés de carbofuran dans un champ de colza pour se débarrasser des puces terrestres en 1984, il s’est retrouvé avec plusieurs milliers de Bruants lapons sans vie éparpillés sur sa terre. Ces oiseaux migrateurs de l’Arctique voyagent en vols de dizaines de milliers. Durant la migration, ils sont vulnérables aux pesticides utilisés sur les terres agricoles parce que les champs fraîchement ensemencés sont leurs lieux de prédilection et qu’ils passent beaucoup de temps à picorer le sol en quête de nourriture. Le Service canadien de la faune (SCF) discute à l’heure actuelle l’usage de ce produit avec les autorités chargées de l’homologation. Entre 1984 et 1986, les sauterelles ont infesté les Prairies canadiennes. Au moins trois cas d’empoisonnement ont été signalés lorsque des Goélands à bec cerclé et des Goélands de Californie ont tenté de se nourrir de sauterelles enduites de carbofuran. Des recherches commanditées par le SCF ont révélé que des colonies de Chevêches des terriers ont été abandonnées lorsque ce produit a été utilisé dans les environs. Depuis 1988, cet insecticide est interdit par la loi dans la lutte contre les sauterelles. De nombreux produits de rechange moins toxiques sont homologués. À la fin de 1995 et au début de 1996, plus de 4 000 carcasses de Buses de Swainson, dont certaines étaient munies de bagues indiquant qu’elles se reproduisaient au Canada, ont été dénombrées dans des champs agricoles d’Argentine. Les fermiers y avaient pulvérisé des insecticides organophosphorés, dont le très toxique monocrotophos, pour enrayer une infestation de sauterelles. Il a été impossible d’obtenir un chiffre précis, mais on estime sans exagérer que plus de 20 000 buses ont péri. Ce genre de destruction en masse intervient peut-être dans le déclin récent de cette espèce. Le SCF prête son assistance au gouvernement d’Argentine en ce qui concerne les mesures à prendre pour réduire les probabilités de destructions futures. Entre 1990 et 1996, le tiers d’une centaine de Pygargues à tête blanche, emmenés morts ou moribonds aux centres de réadaptation pour rapaces dans le delta du Fraser en Colombie-Britannique, avaient été empoisonnés par des pesticides. Ils avaient été exposés à des insecticides granulaires en se nourrissant de sauvagine empoisonnée près des champs avoisinants. Les destructions ont été attribuées aux insecticides fensulfothion, carbofuran, phorate, terbufos et fonofos. La pulvérisation d’insecticides sur les forêts de l’Est canadien, soit les organophosphorés phosphamidon (de 1963 à 1977) et fenitrothion (de 1969 à 1997), a été retenue comme la principale stratégie de lutte contre la défoliation causée par la tordeuse des bourgeons de l’épinette. On a conclu que le phosphamidon était la cause d’une forte mortalité et de réductions énormes du nombre de roitelets et de plusieurs espèces de parulines. On l’a surnommé la « mort pourpre » et on a fait état du silence troublant qui suivait son utilisation. Bien que les effets néfastes du fenitrothion aient été beaucoup moins considérables, il a pourtant été responsable de la mort et de l’affaiblissement d’oiseaux dans les régions de traitement. Vu l’ampleur du programme de pulvérisation (ayant atteint un maximum de 3,9 millions d’hectares durant la pullulation de tordeuses de bourgeons dans les années 1970), même moindres, ces effets ont été jugés inacceptables et d’autres insecticides l’ont maintenant remplacé. Des perchoirs toxiques, remplis de l’organophosphoré fenthion pour tuer les oiseaux nuisibles sont à blâmer pour au moins 15 destructions d’oiseaux de proie au cours des 10 dernières années aux États-Unis. On sait aussi que plusieurs Faucons pèlerins en péril ont été terrassés par ce produit. Des recherches commanditées par le SCF ont montré que les oiseaux de proie qui capturent des moineaux ou des pigeons exposés finiront par mourir et que l’état de faiblesse de l’oiseau nuisible rendra sa capture plus facile. Aucun cas n’a encore été signalé au Canada, bien que ce produit soit homologué au pays.

La perte de nourriture et d’habitat

Utilise-t-on beaucoup de pesticides au Canada?
Même si l’intensité d’utilisation de pesticides est plus faible au Canada que dans bien d’autres pays industrialisés, les pesticides sont omniprésents. Dans les années 1980, des herbicides ont été utilisés sur 67 p. 100 des terres agricoles du Canada et des insecticides et fongicides sur 11 p. 100 d’entre elles. Les applications dans les forêts et terres non agricoles (terrains de golf, par exemple) viennent augmenter la superficie totale traitée aux pesticides.

Dans la plupart des pays industrialisés, l’usage d’herbicides est beaucoup plus répandu que celui des autres pesticides. Les « mauvaises herbes » ciblées (le chou gras, par exemple), les plantes non ciblées qui sont sensibles à l’herbicide utilisé et les insectes riches en protéines qui vivent sur ces plantes sont essentiels à l’alimentation des oiseaux, et ce, à tous les stades de développement. L’usage de pesticides nuit de bien des façons à la production alimentaire. La quantité de graines et de baies par plante diminue si les abeilles qui assurent la pollinisation sont détruites par les pesticides. La pollution des terres humides par les pesticides réduit la quantité d’insectes aquatiques essentiels au développement des oiseaux aquatiques. L’emploi d’insecticides sur les gazons réduit le nombre de vers de terre, ce qui a des répercussions sur les Merles d’Amérique.

L’emploi de pesticides en agriculture restreint encore plus la disponibilité de refuges pour les oiseaux, ces derniers devant déjà se contenter de petits boisés, de haies basses, de haies-brise-vent et d’étangs en milieu rural pour la nidification et l’alimentation. Même les bordures de champs agricoles peuvent être périlleuses pour les oiseaux qui y sont attirés et qui s’y empoisonnent en ingérant des insecticides toxiques. L’emploi d’herbicides en foresterie peut faire perdre aux oiseaux qui nichent au sol le couvert de feuilles qui leur sert de refuge contre les prédateurs et les intempéries. La possibilité de transport des gouttelettes d’herbicide dans l’air et de contamination des terres humides éloignées par le ruissellement des eaux est aussi un sujet d’inquiétude.

Les herbicides et l’habitat

L’une des meilleures études scientifiques sur les effets écologiques des herbicides dans une région agricole a été réalisée en Grande-Bretagne. Elle a montré comment la lutte contre les mauvaises herbes s’est répercutée sur la Perdrix grise. Après la pulvérisation, certaines plantes ont disparu, tout comme les insectes vivant autrefois dans le feuillage. Les poussins affamés, qui se nourrissent d’insectes durant les premières semaines de leur existence, ont dû s’aventurer plus loin pour les trouver. Comme leurs forces avaient été mises à l’épreuve, ils sont devenus plus vulnérables aux intempéries et aux prédateurs. Par surcroît, la coupe des haies qui a été pratiquée a eu pour conséquence de faire disparaître les meilleurs lieux de nidification.

Les conséquences ultimes?

Les pesticides n’ont pas encore entraîné la disparition d’espèces d’oiseaux au Canada, bien que les Faucons pèlerins aient failli disparaître complètement dans l’Est du Canada vers les années 1960, avant que le gouvernement n’élimine progressivement l’usage du DDT et d’autres organochlorés. Toutefois, seulement une fraction des morts d’oiseaux causées par les pesticides a été documentée. De nombreux incidents d’empoisonnement ne sont pas signalés parce que les oiseaux se cachent et les carcasses se décomposent rapidement ou sont dévorées par les animaux nécrophages. Il arrive aussi que des pertes attribuables aux pesticides soient méprises pour des cas d’électrocution ou de traumatisme.

Les chercheurs canadiens commencent à peine à comprendre les effets globaux de l’usage de pesticides sur l’abondance et la diversité des oiseaux. Les pesticides pourraient-ils avoir des répercussions sur une espèce clé (qui joue un rôle vital dans l’écosystème) et entraîner des conséquences difficiles à prédire pour la faune? Il n’est pas toujours possible d’isoler les effets des pesticides des effets de nombreux autres facteurs de pollution et de perte d’habitat qui menacent certaines espèces sauvages. Des études britanniques ont indiqué que l’altération des habitats après l’usage d’herbicides pourrait avoir des conséquences plus néfastes pour certaines populations d’oiseaux que les pertes directes dues à l’empoisonnement par les pesticides, mais on ignore si cela est applicable en Amérique du Nord, où l’usage d’insecticides hautement toxiques est généralement plus répandu.

Comment protéger les oiseaux?

L’usage responsable de pesticides

Les pesticides ne devraient être utilisés qu’en dernier ressort. Il est possible de diminuer notre dépendance par rapport aux pesticides. La « gestion intégrée des ravageurs » conjugue l’usage de certains pesticides chimiques et des méthodes de rechange. Les agriculteurs, forestiers, paysagistes et jardiniers soucieux de l’environnement sont ouverts à la culture d’espèces végétales résistantes aux ravageurs, à la rotation des cultures, à la plantation de cultures-abris, à la mise en liberté (après étude approfondie) d’insectes et de microbes qui dévorent les ravageurs, à la promotion des espèces d’oiseaux et d’insectes qui luttent naturellement contre les ravageurs, ainsi qu’aux façons de rentabiliser certaines espèces de mauvaises herbes. Ils évaluent soigneusement leurs besoins en engrais et se servent de fumier et de compost pour engraisser le sol : une bonne terre produit des récoltes saines et robustes qui résistent bien aux ravageurs. Par surcroît, en diminuant l’usage de pesticides ils font en sorte que les populations de ravageurs mettront plus de temps à développer une résistance; ainsi les pesticides seront plus efficaces lorsqu’ils deviendront nécessaires.

On peut utiliser un pesticide de façon responsable en appliquant notamment les principes suivants : employer un produit homologué; lire et suivre le mode d’emploi sur l’étiquette; utiliser un pesticide sélectif plutôt que non sélectif; utiliser la plus petite quantité indiquée pour l’application; inclure les coûts indirects (écologiques) de l’utilisation de pesticide lorsqu’on calcule les avantages et les coûts; s’informer si l’ingrédient actif (l’ingrédient qui détruit le ravageur) indiqué sur l’étiquette a des effets sur les oiseaux et éviter son utilisation au cours de la saison où les oiseaux vulnérables peuvent y être exposés; employer des pesticides à une concentration et sous une forme qui seront le moins susceptibles d’affecter les oiseaux et autres espèces sauvages; éviter la contamination des terres humides et de l’eau; signaler les incidents relatifs aux pesticides qui se répercutent sur les espèces sauvages. Seul le fait de signaler les incidents rendra possible l’élimination des produits chimiques qui les causent.

Tout compte fait, la dépendance à l’égard des pesticides est l’affaire de chaque membre de la collectivité. Vous pouvez faire votre part en vous renseignant sur les effets de divers pesticides et comment ils nuisent aux écosystèmes — c.-à-d. en vous informant des coûts comme des avantages des pesticides. À titre de consommateur, insistez pour que les pesticides particulièrement dangereux pour la faune ne soient pas utilisés et ne les employez pas.

La protection par l’État

Au Canada, les pesticides doivent être homologués auprès d’un organisme fédéral, l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA), qui relève de Santé Canada (renseignements ARLA : 1 800 267‑6315). La vente et l’utilisation de pesticides sont aussi réglementées par les lois provinciales. Les organismes de réglementation évaluent d’abord et avant tout la toxicité de l’ingrédient actif pour les humains; ils essaient de prévoir la toxicité pour les organismes sauvages et domestiques d’après les essais effectués en laboratoire sur quelques espèces indicatrices. Comme il y a des centaines de produits pesticides en vente au Canada, des centaines d’espèces d’oiseaux et des dizaines de milliers d’espèces sauvages, les toxicologues de la faune — c.‑à‑d. les scientifiques qui étudient les effets de poisons sur les végétaux et les animaux sauvages — se concentrent surtout sur les problèmes.

S’il est prouvé qu’un pesticide homologué est la source d’effets graves sur l’environnement, on peut en restreindre l’usage ou le bannir. Le fabricant peut aussi le retirer volontairement. Il est difficile de prouver qu’un pesticide (surtout s’il se dégrade rapidement) est responsable de la mort d’un oiseau ou d’un autre organisme sauvage. Les chercheurs comptent sur les citoyens pour signaler la destruction suspecte d’espèces sauvages associée à l’utilisation de pesticides et les alerter d’un problème en puissance.

Prière de signaler les incidents relatifs aux pesticides touchant les espèces sauvages, par écrit à l’adresse suivante :

Section des pesticides
Centre national de la recherche faunique
Service canadien de la faune
Environnement Canada
Ottawa (Ontario) K1A 0H3
Téléc. : (613) 998-0315

Pour les cas nécessitant une attention immédiate, contactez la ligne nationale d’information du Centre canadien coopératif de la santé de la faune au 1 800 567‑2033.

Ressources

Ressources imprimées

Le Service canadien de la faune (SCF) mène des recherches sur les effets des pesticides sur les oiseaux et d’autres espèces sauvages. On peut obtenir un sommaire de ces recherches, ainsi qu’une bibliographie scientifique sélective, en écrivant à l’adresse mentionnée plus haut ou en visitant le site Web du Centre national de la recherche faunique.

© Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représentée par le ministre de l’Environnement, 1998. Tous droits réservés.
No de catalogue CW69-4/98-1998F
ISBN 0-662-82733-3
Texte : Pierre Mineau
Dessins : Roelof Idema, pour le SCF
Photos : SCF