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Fédération canadienne de la fauneEnvironnement et Changement climatique Canada
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Description

Le Pygargue à tête blanche (Haliaeetus leucocephalus) est un très gros oiseau. Haliaeetus signifie « aigle de mer » et leucocephalus désigne sa tête blanche. Ses ailes, bien adaptées au vol plané, sont larges et longues, leur envergure atteignant plus de 2 m. Lorsque l’oiseau est perché, sa hauteur est d’environ 76 cm et les individus pesant plus de 7 kg ne sont pas rares. De façon générale, les femelles sont plus grosses que les mâles et les juvéniles sont plus gros mais plus légers que les adultes du même sexe. Les pygargues se reproduisant dans le Sud des États-Unis sont plus petits que ceux qui le font plus au nord.

Les mâles et les femelles ont un plumage identique. La livrée des adultes est brun foncé (presque noire) et contraste vivement avec les plumes blanches de la tête et de la queue ainsi qu’avec le bec, les yeux et les pattes jaunes. Ce n’est qu’à l’âge de quatre ou cinq ans que les Pygargues à tête blanche ont cette coloration distinctive. Les ornithologues amateurs peuvent confondre les pygargues plus jeunes avec d’autres oiseaux, comme l’Urubu à tête rouge et l’Aigle royal.

Pour tuer et manipuler ses proies, il utilise son bec épais, ses larges serres et ses énormes pieds munis de petites protubérances épineuses appelées spicules.

Signes et sons

Le répertoire de manifestations vocales du Pygargue à tête blanche est assez limité. Sa voix porte loin et ressemble au cri des goélands, qui serait décomposé en une série de notes.

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Habitat et habitudes

La plupart des pygargues se reproduisent sur les côtes maritimes et les rives des lacs, où ils peuvent trouver des arbres favorables à la nidification. Certains pygargues peuvent demeurer toute l’année dans leur habitat de nidification si les plans d’eau où ils vont pêcher ne gèlent pas. Les pygargues nichant à l’intérieur du continent dans des régions où l’eau gèle peuvent se diriger vers les côtes les plus proches ou vers le Sud pour hiverner.

Caractéristiques uniques

Le majestueux Pygargue à tête blanche est le plus gros oiseau de proie au Canada. Il appartient au groupe des aigles, qui compte 59 espèces dans le monde, dont seulement deux en Amérique du Nord, l’autre étant l’Aigle royal. Contrairement à ce dernier, le Pygargue à tête blanche ne vit qu’en Amérique du Nord.

La vue du pygargue, trois ou quatre fois plus perçante que celle des humains, le sert bien pour la chasse et pour repérer les carcasses d’animaux. Son ouïe est probablement comparable à celle des humains, mais ses sens du goût et de l’odorat sont peu développés.

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Aire de répartition

La répartition du Pygargue à tête blanche

C’est en Colombie-Britannique, surtout le long de la côte de l’océan Pacifique, que se reproduit la plus grande partie des pygargues nichant au Canada. Les forêts boréales (situées au nord) de l’Alberta, de la Saskatchewan, du Manitoba et du Nord-Ouest de l’Ontario abritent aussi des populations nicheuses saines. Dans l’Est, on trouve de petites populations nicheuses non négligeables sur l’île du Cap-Breton et le long de la côte de Terre-Neuve. Les autres provinces et les territoires comptent moins de pygargues nicheurs. Cet oiseau de proie à tête blanche niche encore dans plus de la moitié des États américains.

Les pygargues qui se reproduisent dans le Centre du Canada migrent à l’automne, seuls ou en couples, vers le sud, jusque dans le Centre-Ouest et le Sud-Ouest des États-Unis, et retournent vers le nord à la fin de l’hiver ou au début du printemps. Ils ne fréquentent pas nécessairement les mêmes aires de nidification et d’hivernage d’une année à l’autre. Les jeunes pygargues issus de la population qui niche en Floride en novembre et en décembre remontent vers le nord durant l’été, parfois jusque dans les Maritimes.

La plupart des Pygargues à tête blanche qui hivernent au Canada le font sur la côte de la Colombie-Britannique. Ils s’y rassemblent généralement en groupes variant de quelques individus à près d’un millier durant l’hiver. C’est en Alaska, le long de la rivière Chilkat, dont les eaux gèlent tardivement, qu’on peut observer le plus important rassemblement hivernal de Pygargues à tête blanche sur le continent; des milliers d’oiseaux viennent d’octobre à décembre s’y nourrir des saumons morts d’épuisement à la suite du frai. Un dénombrement annuel des aigles en hivernage est effectué au Canada et aux États-Unis à la mi-janvier.

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Alimentation

Le Pygargue à tête blanche se nourrit principalement de poissons, d’oiseaux aquatiques et de mammifères qu’il capture ou trouve morts. La plupart de ses prises vivantes, particulièrement la sauvagine, sont des animaux malades ou blessés par des chasseurs. Quand il ne peut pas trouver ses aliments de base, il se rabat sur à peu près tout ce qui présente une valeur alimentaire. 

Ces imposants prédateurs se procurent leur nourriture par tous les moyens possibles : ils dérobent les proies d’autres oiseaux (par exemple les poissons capturés par le Balbuzard), se nourrissent de charogne (notamment d’animaux morts le long des routes et de poissons tués par les turbines des installations hydro-électriques) et chassent en vol, à partir d’un perchoir, sur le sol ou dans des eaux peu profondes. Il leur arrive parfois de se nourrir en groupes, mais il est rare qu’ils coopèrent dans leur chasse. En règle générale, les adultes pratiquent plutôt la chasse, et les jeunes se contentent de charogne ou volent les prises d’autres prédateurs.

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Reproduction

Les pygargues ne s’accouplent pas nécessairement chaque année. Certains peuvent former des couples pour la vie, mais si un des partenaires meurt ou disparaît, l’autre s’en trouvera un nouveau. Les essais de reproduction infructueux peuvent amener le couple à se séparer et à chercher d’autres partenaires. Il arrive, quoique rarement, qu’un subadulte s’accouple avec un adulte.

La parade nuptiale du Pygargue à tête blanche est magnifique et complexe, avec ses cris et ses acrobaties aériennes, telles que des tonneaux, des montées et des descentes en flèche vertigineuses et des poursuites. Habituellement, le couple fait son nid près d’un plan d’eau douce ou salée dans un arbre de grand diamètre qui domine un peuplement forestier, et défend, contre ses congénères, un territoire de nidification qui couvre de 1 à 2 km2. Dans certaines régions du Canada, les pygargues semblent préférer nicher dans les conifères, particulièrement dans les pins. Les vieilles forêts sont idéales pour la nidification. Cette espèce peut aussi nicher, dans les régions dépourvues d’arbres, sur des falaises, des pics rocheux ou sur le sol, comme on l’a déjà observé dans la toundra boréale. On n’a vu que rarement le pygargue établir son nid sur des structures artificielles.

Son nid, dont le diamètre se situe entre 1,5 et 2,0 m et dont la hauteur est de 1 m en moyenne, est le plus gros nid d’oiseau que l’on puisse trouver en Amérique du Nord. Les nids utilisés depuis longtemps peuvent être beaucoup plus gros (on en a déjà trouvé un de 3 m de diamètre et de 6 m de haut), les occupants ajoutant, chaque saison des amours, de nouveaux matériaux à la structure de base, faite de branches et de brindilles. Au centre, il y a une petite dépression garnie de matières végétales souples et de plumes, où la femelle pond entre un et trois (habituellement deux) gros œufs blanc mat, à deux, trois ou quatre jours d’intervalle. Durant les 35 jours que dure l’incubation, alors que les œufs doivent être maintenus à la bonne température et protégés des prédateurs, un des adultes, le plus souvent la femelle, demeure presque toujours au nid.

Les œufs éclosent à deux ou trois jours d’intervalle. À l’éclosion, les petits pygargues sont couverts d’un duvet gris; les premières plumes apparaissent à l’âge de quatre à cinq semaines. La femelle, et dans une moindre mesure le mâle, élève les petits, les protégeant de la pluie, du vent et du soleil, en permanence d’abord, puis sporadiquement après le premier mois. Durant les premières semaines, c’est le mâle qui apporte la plus grande partie de la nourriture au nid; après, les deux adultes se partagent cette tâche. Le plus gros des jeunes mange en premier; il domine les autres oisillons de la couvée et peut même tuer le plus petit. Les jeunes pygargues sont voraces et croissent très rapidement, passant d’environ 90 g à l’éclosion à 4 kg en moyenne pour les mâles et 5,1 kg pour les femelles deux mois plus tard.

Vers l’âge de six à sept semaines, les juvéniles se nourrissent eux-mêmes et manifestent une grande agressivité envers les parents. Les mâles prennent leur envol à environ 78 jours et les femelles quelques jours plus tard.

La période de l’année où se déroule le cycle de reproduction de même que sa durée varie selon l’endroit où se trouve l’aire de nidification. La durée de la pariade est plus courte chez les pygargues des populations du Nord, et ceux-ci se reproduisent plus tard. Par exemple, la ponte a lieu de la mi-novembre à la mi-janvier en Floride, et en avril et en mai au Canada et en Alaska. Il s’écoule normalement de 16 à 18 semaines entre la ponte du premier œuf et l’envol du dernier petit.

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Conservation

Bien que sa population totale ait grandement diminué depuis l’arrivée des Européens sur le continent nord-américain, il est encore assez commun dans l’Ouest canadien et en Alaska. Certaines populations au Canada (par exemple celles du Sud de l’Ontario et du Nouveau-Brunswick) et dans les 48 États américains situés au sud du Canada sont en voie de disparition ou déjà disparues.

Les populations de Pygargues à tête blanche ont pour la première fois chuté de façon importante à la fin du XIXe siècle. Ce phénomène a été plus marqué aux États-Unis, car la plus grande partie des pygargues du Canada se trouvaient dans des régions relativement peu habitées et étaient donc moins exposés aux perturbations causées par l’activité humaine. Ce premier déclin a été provoqué par le déplacement vers l’Ouest de milliers de colons européens qui ont défriché des terres, labouré les prairies, poursuivi les mêmes proies que le pygargue et l’ont chassé et tué au fusil ou piégé à dessein ou par hasard.

Le Pygargue à tête blanche

Le Pygargue à tête blanche
Photo: USFWS/Dave Menke

Après que les populations ont commencé à se rétablir, en partie peut-être grâce à la Bald Eagle Act, une loi américaine promulguée en 1940 qui en interdisait la chasse dans les 48 États situés au sud du Canada, elles se sont remises à décliner au Canada et aux États-Unis. Il revient à Charles Broley, un banquier canadien alors à la retraite en Floride, d’avoir été le premier, à la fin des années quarante, à attirer l’attention sur la nouvelle menace qui pesait effectivement sur le Pygargue à tête blanche. Il a avancé l’hypothèse selon laquelle le DDT, pesticide qui avait été pulvérisé le long de la côte du golfe du Mexique pour lutter contre les moustiques des marais salants, avait pour effet de réduire le nombre de jeunes éclosant chaque année. Les concentrations de DDT et de ses métabolites (substances issues de sa décomposition) sont amplifiées des centaines de fois en remontant la chaîne alimentaire c’est-à-dire en passant de l’eau au zooplancton (organismes microscopiques), aux petits poissons, puis aux gros et aux goélands et enfin aux pygargues. Les concentrations dans les pygargues étaient suffisamment élevées pour réduire leur capacité d’absorption du calcium, d’où la fragilisation de la coquille des œufs.

Depuis que des restrictions ont été imposées au Canada et aux États-Unis sur l’utilisation de la plupart des organochlorés (DDT et substances apparentées), le nombre de couples réussissant à se reproduire s’est accru, mais dans certaines populations, le nombre de jeunes reste faible.

La destruction des habitats nuit aussi à la reproduction de l’espèce. Partout dans les régions boisées, on coupe des arbres pouvant servir de nid, de perchoir ou de dortoir. La qualité et l’abondance de la nourriture (particulièrement du poisson) peuvent être réduites dans certaines régions par les précipitations acides. De plus, comme les pygargues aiment la tranquillité en période de reproduction, la présence des humains est nuisible et peut même les amener à quitter le nid.

Pour favoriser la reproduction, on peut assurer la protection des territoires de nidification en établissant autour des nids des zones tampons où l’arbre portant le nid, les arbres servant de perchoirs et les aires d’alimentation seraient protégés contre les perturbations dues à l’activité humaine. Certaines lois provinciales relatives aux espèces menacées de disparition fournissent une protection légale à l’habitat du pygargue. La réintroduction, dont la technique la plus connue et la plus fructueuse consiste à élever en milieu fermé de jeunes oiseaux pour les relâcher dans des sites désignés, a joué un rôle important dans la reconstitution de certaines populations. La reproduction des pygargues en captivité, les soins aux oiseaux blessés, l’établissement de refuges (particulièrement en lieu d’hivernage) ainsi que l’utilisation limitée de nids artificiels sont d’autres techniques qui ont toutes été utilisées avec succès.

Cependant, même une population se reproduisant au taux maximal peut s’éteindre si les adultes ne survivent pas en assez grand nombre. Les Pygargues à tête blanche peuvent vivre 50 ans en captivité, mais leurs chances d’atteindre cet âge dans la nature sont faibles en raison des risques naturels, tels que les intempéries, et les autres menaces reliées à l’activité humaine, comme les lignes électriques. Le taux de survie des pygargues est le plus faible au cours des premières années (et particulièrement au cours du premier hiver). En effet, moins de la moitié des jeunes atteignent l’âge adulte. Parmi les cas de mortalité signalés, environ les deux tiers ont été tirés au fusil, piégés involontairement, électrocutés sur des lignes électriques ou sont entrés en collision avec ces structures.

Les pygargues peuvent être exposés à des contaminants comme le mercure et le plomb. La production de méthylmercure par les bactéries contenues dans les sédiments et l’eau s’accroît sous certaines conditions (sous l’effet par exemple de la décomposition de la végétation dans les terres nouvellement inondées en amont des barrages hydro-électriques). Le méthylmercure peut, à l’instar du DDT, s’accumuler dans les chaînes alimentaires. Par ailleurs, les pygargues peuvent s’empoisonner en mangeant de la sauvagine atteinte par des plombs de chasse.

Au Canada, les populations de Pygargues à tête blanche sont en général stables ou en légère progression, bien que la situation varie d’une région à l’autre. Actuellement, les populations de la côte de la Colombie-Britannique, de la forêt boréale et des provinces Atlantiques se portent bien. Si les taux de mortalité restent élevés, la croissance des effectifs sera faible. Cependant, si ces oiseaux peuvent disposer d’un habitat convenable et qu’ils peuvent rester le plus possible à l’écart des perturbations liées à l’activité humaine, nous devrions pouvoir apprécier encore longtemps ce magnifique planeur.

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Ressources

Ressources en ligne

Cornell University Laboratory of Ornithology (en anglais seulement)

Ressources imprimées

GODFREY, W. E. Les oiseaux du Canada, éd. rév., Musées nationaux du Canada, réimprimé en 1989, La Prairie (Québec), Éditions Marcel Broquet, en collaboration avec le Musée national des sciences naturelles, 1986.

SAVAGE, C. Ces merveilleux oiseaux du Canada, Montréal (Québec), Éd. La Presse, 1985, p. 59-61.



© Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représentée par le ministre de l’Environnement, 1992. Tous droits réservés.
N° de catalogue CW69-4/86F
ISBN 0-662-97311-9
Texte : R.F. Stocek
Photo : Bev McMullen