Paysage
Fédération canadienne de la fauneEnvironnement et Changement climatique Canada
English

Description

Oiseaux en vol

De toutes les espèces d’oiseaux d’Amérique du Nord qui sont en voie de disparition, la Grue blanche est l’espèces la mieux connue. Elle doit cette notoriété à sa taille de même qu’à son allure particulière et photogénique, mais aussi au fait que Canadiens et Américains participent, depuis 1967, à un programme efficace visant à en éviter la disparition.

Plus grand oiseau d’Amérique du Nord, la Grue blanche (Grus americana) a un long bec pointu et foncé, un long cou et de longues et fines pattes noires. Les grands mâles adultes mesurent environ 1,5 m de hauteur. L’envergure des ailes déployées, mesurée entre les extrémités noires des longues rémiges primaires, ou plumes servant au vol, atteint 2 m ou plus. Le bout noir des ailes est habituellement dissimulé lorsque l’animal est au repos. Cet imposant oiseau au plumage blanc de neige a des plumes noirâtres ressemblant à des poils sur le sommet de la tête et la face, une petite tache noire, derrière la tête, sous la couronne rouge cramoisi, et des yeux jaune vif. Les juvéniles ont les yeux brun foncé et un plumage cannelle et blanc; leurs ailes blanches sont pourvues, aux extrémités, de plumes noires, qu’ils conserveront à l’âge adulte.

En vol, la Grue blanche se distingue des autres grands oiseaux blancs par son long cou pointé droit vers l’avant et ses pattes tout aussi étendues vers l’arrière. On la confond alors souvent avec des oiseaux comme le Pélican d’Amérique, le Cygne siffleur et la Petite Oie des neiges, qui sont tout blancs, ou presque, mais ne déploient pas de longues pattes à l’arrière (voir figure 1).

Signes et sons

Au début du printemps, durant la pariade, on entend parfois un couple de grues chanter un duo, à l’unisson. Tôt le matin, la grue nicheuse lance souvent un cri clair, retentissant à plusieurs kilomètres à la ronde et rappelant le son du clairon, par lequel elle signale à ses congénères son territoire de reproduction. Au nid, les adultes communiquent avec les petits fraîchement éclos au moyen de grognements étranges.

Il existe actuellement 15 espèces de grues dans le monde. Les seules espèces sauvages en Amérique du Nord sont la Grue blanche et la Grue du Canada. Celle-ci, plus petite, a un plumage gris ardoise ou brun et vit en gros troupeaux; ses effectifs sont encore relativement importants.

Haut de la pageHaut de la page

Habitat et habitudes

Habitat de la Grue blanche

L’habitat de nidification se compose de marais, d’étangs peu profonds, de petits ruisseaux, ainsi que de petits bosquets d’arbres et d’arbustes. L’habitat d’hiver comporte des marais salés, des battures, des étangs d’eau douce et des prairies. La Grue blanche revient également chaque automne, pendant la migration, se poser en Saskatchewan, dans des habitats reconnus pour les chaumes d’orge et de blé et les milieux humides qui s’y trouvent.

Caractéristiques uniques

Comment oublier le spectacle d’un couple de Grues blanches survolant la solitude d’un marais ou d’une prairie du Nord? Par beau temps, pendant la migration, quand les vents sont favorables, la Grue blanche plane en spirale, les ailes immobiles, exploitant les courants thermiques pour gagner de l’altitude. Son ascension terminée, elle redescend en planant jusqu’à 70 m au-dessus du sol, puis remonte en spirale de la même façon. Lorsque les ascendances thermiques le permettent, elle peut parcourir d’un seul trait des distances incroyables, grâce à cette technique qui lui demande peu d’énergie.

De 1977 à 1988, des biologistes ont capturé, dans l’aire de nidification, 134 jeunes grues âgées de 70 jours, et les ont relâchées dans la nature, munies de bagues en plastique de couleur vive, ce qui a permis de les identifier et d’en apprendre davantage sur les moeurs de l’espèce. En 1981, en 1982 et en 1983, on a également fixé à 15 jeunes grues de petits émetteurs radio, grâce auxquels le Service canadien de la faune et le U. S. Fish and Wildlife Service ont pu les suivre et obtenir de l’information détaillée sur la migration. On a pu ainsi établir que les grues peuvent parcourir, en moyenne, en 7,5 heures à la vitesse de 53 km/h, quelque 400 km par jour, mais qu’il leur arrive régulièrement de franchir 750 km en 10 heures de vol ininterrompu. Une grue munie d’un émetteur a atteint, en 1984, le vent aidant, la vitesse record de 107,5 km/h. La plupart des grues migratrices ont été observées volant à moins de 600 m au-dessus du sol. Les vols à haute altitude n’étaient toutefois pas inhabituels, et le record à cet égard a été établi par une grue volant à 1,950 m.

Haut de la pageHaut de la page

Aire de répartition

La répartition de la Grue blanche

La carte permet de comparer l’aire de répartition actuelle de la Grue blanche à celle d’avant 1850. La création en 1922 du parc national Wood Buffalo, près de la frontière qui sépare l’Alberta des Territoires du Nord-Ouest, a sans aucun doute évité la disparition de l’espèce. Pourtant, ce parc avait été créé dans le but de protéger la harde de bisons des bois qui s’y trouvait, et l’on ne connaissait alors aucune aire de nidification de la Grue blanche dans ses limites. Toutefois, en 1993, l’espèce y nichait dans six aires de nidification inaccessibles et protégées, totalisant environ 500 km2. De nos jours, le parc national Wood Buffalo et ses environs sont le seul endroit en Amérique du Nord où une population de Grues blanches sauvages vit et se reproduit. Depuis la découverte de nids de Grues blanches à cet endroit, l’éloignement de la région et la Loi sur les parcs nationaux, qui réglemente la chasse sur ces territoires, ont été jugés une protection suffisante.

Les quartiers d’hiver de la Grue blanche couvrent quelque 90 km2, le long de la côte du Texas. Le gouvernement des États-Unis a désigné, en 1937, ce territoire comme « refuge national de faune d’Aransas », notamment afin de protéger cet habitat d’hiver de l’espèce.

Haut de la pageHaut de la page

Alimentation

En hiver, la Grue blanche marque une préférence pour les crabes d’eau douce et les myes, mais peut aussi se nourrir d’écrevisses, de petits poissons, de serpents, d’insectes, de glands et de petits fruits sauvages. 

En été, la famille fréquente les eaux peu profondes des petits étangs et marais, où les adultes pourront trouver des larves d’insectes tels que libellules, zygoptères et éphémères, ainsi que des escargots, des myes, des dytiques, des sangsues, des grenouilles et des petits poissons. Lorsqu’ils capturent des proies de plus grande taille, par exemple des serpents, des souris, des oisillons, des canetons, et de plus grosses encore, comme de jeunes butors, les adultes les partagent avec leurs petits.

Haut de la pageHaut de la page

Reproduction

Comportement nuptial de la Grue blanche

La Grue blanche migre chaque automne dans le Sud, au Texas, où l’hivernage est consacré à l’alimentation et au repos. Aux premiers jours du printemps, les sites d’hivernage sont le théâtre des danses et des cris propres aux parades nuptiales (voir figure 2). Le rituel s’intensifie jusqu’à la migration vers le nord, à la mi-mars.

Les couples commencent à arriver dans le nord du parc national Wood Buffalo pendant la troisième semaine d’avril : chaque couple établit un territoire dont la superficie varie de 3 à 5 km2, dans les lieux de nidification relativement denses, ou de 12 à 19 km2, dans les lieux de nidification isolés.

La Grue blanche construit habituellement son nid dans des marais et des étangs peu profonds, là où il y a environ 25 cm d’eau – afin que les jeunes oiseaux, inaptes au vol, puissent nager pour échapper aux prédateurs – et le plus souvent dans une jonchaie relativement dense. Rarement aménagés sur la terre ferme, les nids sont parfois construits sur des îlots. On a trouvé, il y quelques années, un nid unique en son genre, qui flottait sur un petit étang. Le nid type, dont le diamètre moyen est d’un peu plus d’un mètre et dont la hauteur moyenne au-dessus de l’eau est d’environ 15 cm, est construit de joncs.

Un couple de Grues blanches a habituellement deux oeufs; généralement, les deux éclosent, mais, si on les laisse dans le nid, le plus souvent un seul oisillon survit. Bien qu’on ne sache trop comment expliquer ce phénomène, il peut être associé au manque de nourriture, en particulier lors de l’assèchement des plans d’eau, qui permet aux prédateurs terrestres, comme le loup gris, de pénétrer dans les marais.

Les parents se partagent la tâche de couver les oeufs pendant toute la durée de l’incubation, qui s’étend sur une période de 29 ou 30 jours. Grâce en partie à leur vigilance, leurs oeufs sont rarement victimes des prédateurs. À l’éclosion, dans la dernière semaine de mai ou la première semaine de juin, le duvet du petit est orangé tirant sur le rouge. Les parents s’affairent dès cet instant à nourrir le jeune. Les grues volent rarement durant l’été. Certains oiseaux peuvent en effet devenir inaptes au vol durant de courtes périodes par suite de la mue, ou remplacement, des grandes plumes des ailes.

À la fin de septembre ou au début d’octobre, les jeunes grues sont prêtes à entreprendre la migration de 4 000 km qui les conduira au Texas. En route, les oiseaux s’arrêteront d’une à cinq semaines en Saskatchewan, dans des régions où elles ont l’habitude de faire halte pour s’alimenter. Dans ces régions, les grues peuvent séjourner en toute quiétude durant tout ce temps sur la même demi-parcelle de terrain ou le même quart de parcelle. Là, elles se gavent de l’orge et du blé laissés dans les chaumes, et se reposent, la nuit venue, dans les milieux humides environnants.

Haut de la pageHaut de la page

Conservation

Les naturalistes s’inquiètent depuis longtemps du risque de disparition de cet oiseau superbe. Selon eux, la destruction de l’habitat de nidification de la Grue blanche était la principale cause de son déclin. En 1860, on comptait pourtant de 1 300 à 1 400 représentants de cette espèce. Toutefois, bien qu’elle ait été chassée ouvertement jusqu’au début des années 1900, elle n’a jamais été assez prolifique pour être le point de mire des chasseurs. Même si la Grue blanche est protégée par la Loi depuis 1916, cela n’a pas empêché sa population de décroître. En 1941, il ne restait que 22 Grues blanches à l’état sauvage, dont 6, en Louisiane, dans une population sédentaire, qui a été anéantie en 1950 par une grosse tempête. Les 16 autres étaient les ancêtres du troupeau sauvage actuel, qui, grâce à une gestion éclairée, comptait plus de 150 individus en 1993.

La croissance industrielle du Nord et d’autres régions est de mauvais augure pour la Grue blanche. Les lignes de transport d’électricité, les pylônes hertziens et autres ouvrages fréquemment rencontrés dans le Sud constituent en effet un danger, et plusieurs grues se sont tuées en heurtant des câbles aériens.

On s’inquiète également du continuel trafic maritime dans les quartiers d’hiver du Texas, car un déversement d’hydrocarbures ou de produits chimiques risquerait de les rendre inhabitables pour la Grue blanche, voire d’en décimer carrément la population. De plus, le passage des navires cause l’érosion des côtes et la destruction de l’habitat.

Le Service canadien de la faune et le U. S. Fish and Wildlife Service (USFWS) ont mis sur pied en 1966 un programme de rétablissement de la Grue blanche, axé sur l’élevage en captivité.

Au début de juin 1967, une équipe de scientifiques du Service canadien de la faune et du USFWS a ainsi prélevé six oeufs dans des nids du parc national Wood Buffalo (un oeuf par couvée de deux) pour les faire incuber artificiellement. Le biologiste du Service canadien de la faune, venu en hélicoptère, a d? se frayer un chemin à travers les marais pour recueillir les oeufs. Déposés dans un incubateur portatif réchauffé par des bouillottes, ceux-ci furent transportés par la voie des airs jusqu’au Centre de recherche faunique de Patuxent, près de Laurel, au Maryland. De 1967 à 1991, on a ramassé 128 oeufs (dont 93 viables) à partir desquels on comptait créer un troupeau en captivité, dont la progéniture serait relâchée pour accroître la population sauvage. Malheureusement, le taux de succès de la reproduction de la population captive était faible, et les oiseaux vulnérables aux maladies.
Ces prélèvements d’oeufs dans les nids n’empêchaient pas les parents de mener à terme l’incubation des autres oeufs.

Lors d’études récentes, les scientifiques ont même réussi à accroître le succès de reproduction des oeufs prélevés dans le parc en s’assurant que l’oeuf qu'ils laissaient dans le nid était vivant (en vertu de cette méthode, ils examinent les oeufs et remplacent ceux qui sont morts par des oeufs vivants). La population de Grues blanches des Territoires du Nord-Ouest et du Texas est passée de 43 individus au début des prélèvements, en 1967, à plus de 150 à l’automne 1993.

Lors d’une autre expérience réalisée entre 1975 et 1989, 200 ?ufs ont été prélevés dans le parc national Wood Buffalo et expédiés par avion au refuge national de faune de Grays Lake, en Idaho, où ils ont été déposés dans des nids de Grandes Grues du Canada, à la place des oeufs de celles-ci, qui jouèrent ainsi le rôle de parents adoptifs.

Cette tentative de constituer une deuxième population sauvage s’est cependant soldée par un échec, les grues ne s’étant pas accouplées; la situation est probablement due à une carence du phénomène d’imprégnation ou à des comportements inadéquats acquis des parents adoptifs.

En raison de la beauté de la Grue blanche, le sort de l’espèce a heureusement fait l’objet de campagnes qui ont permis de sensibiliser le public au danger qui la menace. Les Canadiens devront, toutefois, appuyer encore longtemps le programme de gestion des nids et des oeufs de ce bel oiseau, mis en oeuvre au parc national Wood Buffalo, avant que sa population n’atteigne un niveau acceptable. La protection des milieux humides qui jalonnent son parcours de migration lui assurera la présence de haltes d’alimentation et de repos. Des campagnes de publicité et d’éducation du public restent nécessaires pour lui éviter d’être chassée pendant la migration. Afin d’aider le Service canadien de la faune à protéger la Grue blanche, nous prions les personnes qui en observeraient, dans les Prairies ou ailleurs au Canada, de nous en informer en composant le numéro sans frais (306) 975-5595. Ce service téléphonique est offert 24 heures sur 24 pendant la migration.

Haut de la pageHaut de la page

Ressources

Ressources en ligne

Comité sur la situation des espèces en péril au Canada

Cornell University Laboratory of Ornithology

Service canadien de la faune, Espèces en péril

Ressources imprimées

ALLEN, R.P. The Whooping Crane, Rapport de recherches n° 3, New York, National Audubon Society, 1952.

DELAUNOIS, A. Les oiseaux de chez nous, 2e éd. rév. et corr., Saint-Lambert (Québec), Éd. Héritage inc., 1990, p. 30 et 31.

GODFREY, W. E. Les oiseaux du Canada, éd. rév., Musées nationaux du Canada, réimprimé en 1989, La Prairie (Québec), Éditions Marcel Broquet, en collaboration avec le Musée national des sciences naturelles, 1986, p. 204.

SAVAGE, C. Ces merveilleux oiseaux du Canada, Montréal, (Québec), Éd. La Presse, 1985, p. 80-83.

© Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représentée par le ministre de l’Environnement,1982, 1993. Tous droits réservés.
No de catalogue CW69-4/9-1993F
ISBN 0-662-98633-4
Texte : E. Kuyt
Révision scientifique : E. Kuyt, 1993
Photo : Geoffrey L. Holroyd (SCF)